La nuit est claire
La page sans blessure
L’âme distingue
L’écho des étincelles
L’étoile
Sur la pente du ciel
Se penche
Comme elle voit le monde
Tel un apôtre
Sur sa poitrine
Elle s’étonne
D’un silence admirable
Perfection
De son premier matin.
Le couloir endormi
Ses ombres enciellées
Des pas connus s’avancent
Ciel et terre s’éclairent
S’en venait le murmure d’une voix
C’était mère qui vouait à l’instant
La ferveur d’un regard
La confidence
D’une pieuse présence
À l’enfance âme nue
Jeux de nuages
Des ombres enchantées
T’en souviens-tu
Des lueurs de sa voix ?
À mon réveil
La lucarne des années premières
Laissait à ce petit jardin de ciel
Un carré de l’éternité
Aux couleurs transparentes
Souvent traversaient les oiseaux de mer
Et je devinais la courte distance
Où viendrait se nicher en liberté
Mon amour des nuages.
Petite veilleuse de la chambre
Dans l’appentis
Le coutil d’un songe irrésistible
Façonne les souvenirs
J’entendais bruire le silence
Parmi les ardoises sous la pluie
Et les nuages
Comme des pois de senteur je les voyais
Parfumer le paradis
Aujourd’hui dans l’appentis
Aussi se glisse l’ostinato
D’un passereau
Flânant très bas dans les ancolies.
La chambre est haute
Au-dessus de l’encre la lampe
Mon âme s’y délaisse
S’absente jusqu’au vide
Comme elle s’abandonne
L’ombre vacille
D’un souffle passe
Une lueur inespérée
Le banc de brume
Là-bas croise la baie
Semble de l’aube s’étirer
Vers la rivière
La chambre est vaste
Cœur d’une solitude
L’ombre vacille
Dans les petits carreaux.
Une courte maison
Se courbe sous l’ardoise
Où le lichen s’attache
Parfums de cyprès et de feuilles
Laissent l’ombre grimper
Près du lattis de la charpente
Les iris du jardin s’attardent
Sur une table
Au bord de la petite lampe
À son chevet
Veillant l’absence patiente
L’âme ne tremble pas
Le silence s’entend
Ombre lente des jours
Voix bleu nuit de l’éternité.