Extrait 1 :
Nos grands-mères se penchent sur leurs lopins de terre,
elles cueillent des haricots, des petits pois et des salades.
Elles aiment les capucines et les pois de senteur.
Elles gardent longtemps des pommes dans des cageots.
Elles jouent au domino et aiment fleurir les tombes.
Elles portent des coiffes et des vêtements noirs
(et l’on se dit que nos mères devenues vieilles,
porteront aussi la coiffe du pays).
Nos grands-pères sont morts ou sont près de mourir.
On les a vus porter les mêmes fourches sur l’épaule
et s’esquiver à l’ombre des granges.
Ils regardaient le ciel pour décider du jour de la moisson.
Ils aiguisaient des faucilles et partaient en silence nettoyer les talus.
Extrait 2 :
Mes pas bondissent sur les rochers gris couverts de lichens jaunes.
Mes pas trébuchent dans les mares transparentes.
J’ai du sel sur les lèvres du sable dans les yeux.
Les algues caressent mes pieds,
laminaires dont on fait des lassos.
Dans le sable des grèves vierges,
mes petits pas laissent des traces de géant.
Je suis le premier homme sur terre dans les matins d’été.
Extrait 3 :
Tout s’oubliera
La lavandière poussant sur le pavé
sa brouette de linge fumant
Le crieur public à l’angle des rues
alertant le monde entier sur les avis du maire
Le rémouleur qui pensait que nous avions toujours
un couteau ou des ciseaux à aiguiser
Le garde suisse à l’église inclinant sa lance
au moment de l’Elévation
Le cordonnier boiteux inspectant nos chaussures
par le chas d’une fenêtre couverte de poussière
Le vendeur de châtaignes grillées
dont on s’approche parce que cela sent bon
La vendeuse de fraises en costume du pays
assise près de ses petits paniers de bois
Le sacristain partant sonner les cloches
pour nous appeler à la grand’messe