Extrait 1 :
Lettre 1 : Xavier Grall parle de 1968 comme année de sa première rencontre avec Georges Perros dans le billet « le moineau de la grève aux dames » alors que Yves Loisel dans sa biographie suggère quant à lui 1969. Les cachets de la poste ne donnent aucune date antérieure à 1969 sur les
enveloppes et l’adresse précise de Perros n’est pas connue de Grall. Cela atteste bien qu’il s’agit ici de la toute première lettre écrite par Xavier Grall à
Georges Perros.
Cachet de la poste : 19H 10/7/1969
Adressée à :
Monsieur Georges Perros
Ecrivain
29 S – Douarnenez
Xavier Grall
Tréhubert
29 S – Trégunc
Le 10
Monsieur,
On me demande un article sur les écrivains de Bretagne et j’aimerais ne pas rater vos traces sur cette ballade littéraire. Nicole Corelleau, Jean Mingam m’ont parlé de vous. Pourriez-vous m’adresser votre dernier ouvrage, ou, si vous préférez, le plus significatif de vos livres ? Je n’ai rien trouvé à Concarneau
—
Merci — et à bientôt peut-être.
Avec toute ma sympathie,
Xavier Grall
Lettre 2 : Georges Perros avait pour habitude de répondre très rapidement au courrier qu’il recevait. Bien que nous n’ayons pas retrouvé de lettre de Perros entre le 10 et 15 juillet postée à Grall, il est naturel de penser, qu’entre ces deux dates, les deux hommes eurent un contact, probablement par courrier — le numéro de téléphone de Grall n’étant pas donné sur sa première lettre, Perros confiant quant à lui qu’il n’aimait guère cet « engin » (voir lettre 4).
Cachet de la poste : 18H
15/7/1969
Samedi
Cher Monsieur
Je vous attends — De préférence après le Mardi 15. Tréhubert se trouve sur la route de Kersidan, en Trégunc, du côté de Trévignon. On pourra, si vous le voulez, prendre un pot chez Nicole Corelleau.
À très bientôt.
Amitiés Xavier Grall
Tréhubert 29 S – Trégunc
Extrait 2 :
Regards croisés sur les îles
Xavier Grall
La mer à moi ! Mer baradoz ! Je me souviens des étés trempés d’embruns et les embruns étaient les langues de tous les climats. Je me souviens des
enfances boitillant dans les sables, des navires partant, multicolores, Valparaiso, la Trinidad, et toutes les Espagnes lues dans les flaques, entre la
moire des schistes. Le petit port balançait des proues.
Bordées contre bordées… Les voiles brunes ocres pendantes, cuirs de Cordoue au séchoir des mâts…
Filets, algues prises, laminaires errantes, et cette mélancolie si intense qu’elle était félicité, mélancolie d’octobre sur la brume du havre, fanal au crépuscule.
Mer baradoz ! Le songe est plus que la vie, la mer est plus que la rive. Je m’assis dans le sable et un pétrel, de son aile glacée, me râpa le visage. Alors mon deuxième œil s’ouvrit et je vis tout, parfaitement.
Je vis les hommes et les femmes, les saints et les saintes, les guerriers et les martyrs. Ils surgissaient de la mer et ils me nommaient tous par mon nom et je sentis enfin que j’avais chaud dans le cœur, que je sortais de ce très long hiver des âmes gelées, et je vis qu’ils étaient paysans, marins, prêtres et qu’ils ne ressemblaient pas à ceux que j’avais connus jusqu’à ce jour et ils me disaient de louer le lin et de louer l’algue, de célébrer le blé et la bruyère, et de louer le navire et la hune. Je sus alors que j’avais trouvé mon âme et qu’elle était vaste comme la mer.