Extrait 1
L’hiver : du temps pour soi… et pour les autres « L’hiver s’écoule, animé d’une vie lente et sourde. »
Le parti pris des lieux, Michel Collot L’hiver, le contenu qui me vient à l’esprit en écrivant ce mot, l’idée que je m’en fais, est difficile à préciser d’emblée. Lisse, close sur elle-même, l’idée d’hiver est un moment sans aspérité, une sorte de perfection.
Quelque chose irradie au cœur de cette sphère parfaite que m’évoque l’hiver, qui n’est pas réductible seulement à la chaleur, au plaisir de se tenir là, dans un calme appréciable et une lumière atténuée, mais qui emprunte à chacune de ces sensations. Une totalité englobante, dont la décomposition en chacun de ses constituants rend inexplicable la saisie d’ensemble. Un sentiment de plénitude heureuse. Lorsque l’on prend la peine de feuilleter un
dictionnaire des synonymes ou un dictionnaire analogique, on ne peut qu’être surpris de la connotation immédiatement négative qui entoure
l’hiver : la mauvaise saison, la saison froide, les rigueurs de l’hiver, la morte-saison.
Extrait 2
L’imaginaire de la nuit… toutes ces sensations nées ou liées à l’absence de lumière, et qui font que la nuit, toujours, est bien plus vaste que le jour. La
raréfaction de la lumière fait naître une profusion de sensations, d’une étendue et d’une profondeur que le jour pourrait à juste titre lui envier.
La nuit, les nuits d’hiver en particulier, on entre dans une autre temporalité, une autre relation au temps. C’est la raison pour laquelle j’aime tant lire
et écrire le soir : pas d’autres limites que notre bon plaisir si ce n’est… notre fatigue. L’écoulement des heures semble d’une autre nature, d’une texture plus dense à ce moment-là.
La nuit, l’hiver, se renforcent mutuellement l’un l’autre. Dans leur dureté implacable diraient les contempteurs ; dans leurs effets bénéfiques soutiendraient les thuriféraires, au nombre desquels je me compte. Toujours est-il que le desserrement des contraintes sociales qui accompagne la venue du soir et de la nuit, se conjugue dans ma perception avec les plages de temps libres qu’offre généreusement l’hiver.
Extrait 3
C’est l’hiver et c’est la nuit. Sur le port il fait froid ; une sensation accentuée par le vent et l’humidité. Les quais sont déserts, c’est le week-end, et seuls les bateaux amarrés qui tirent sur leurs aussières, animent les lieux. Plusieurs lampadaires de l’éclairage public sont éteints, mais l’éclat orangé
de ceux qui fonctionnent – oasis de lumière dans les ténèbres ambiantes – réchauffe la vue et crée un sentiment d’intimité chaleureuse, totalement
disproportionné à la réalité, à la lumière chiche qu’ils dispensent avec parcimonie.
L’hiver est une saison de peu de couleurs, qui tend parfois au noir et blanc. Tout est réduit à l’essentiel, aux principes élémentaires qui régissent
l’univers : les arbres dépouillés de leur feuillage se réduisent à l’ossature – un tronc, des branches -, nous diminuons nos déplacements et de plus, nous ne nous attardons pas à l’extérieur, la lumière elle-même est réduite, en intensité bien sûr, dans l’étendue de son spectre également, qui confine parfois aux deux non couleurs, comme les désignent les physiciens, le noir et le blanc.