Quand la nuit de la douzième éternité tomba,
Et que le silence, marée haute de la nuit, engloutit les collines,
Les trois dieux de naissance terrestre, les Maîtres Titans de la vie,
Apparurent au-dessus des montagnes.
Les rivières couraient çà et là à leurs pieds ;
La brume flottait sur leur poitrine,
Et leurs têtes se hissèrent avec majesté au-dessus du monde.
Alors ils parlèrent, et tels de lointains tonnerres
Leurs voix roulèrent sur les plaines.
PREMIER DIEU
Le vent vient de l’est ;
J’aimerais tourner mon visage vers le sud,
Car le vent remplit mes narines de l’odeur des choses mortes.
SECOND DIEU
C’est l’odeur de la chair brûlée, douce et bienfaisante.
Je veux la respirer.
PREMIER DIEU
C’est l’odeur de ce qui meurt en se desséchant au-dessus de sa propre flamme affaiblie.
Elle plane lourdement dans l’air,
Et comme le souffle fétide de la fosse
Elle offense mes sens.
Je voudrais tourner mon visage vers le nord inodore.
SECOND DIEU
C’est le parfum enflammé de la vie qui couve
Que je voudrais respirer maintenant et pour toujours.
Les dieux vivent de sacrifices,
Leur soif est étanchée par le sang,
Leurs cœurs sont apaisés par de jeunes âmes,
Leur vigueur est affermie par les soupirs impérissables
De ceux qui cohabitent avec la mort ;
Leurs trônes sont bâtis sur les cendres des générations.
PREMIER DIEU
Mon esprit est las de tout ce qui est.
Je ne lèverais pas le doigt pour créer un monde
Ni pour en effacer un
Je ne voudrais pas vivre si je devais mourir,
Car les siècles pèsent sur moi,
Et la plainte incessante des mers trouble mon sommeil.
Si je devais oublier le dessein originel
Et disparaître comme un soleil dévasté ;
Si je devais dépouiller ma divinité de son but
Et expirer mon immortalité dans l’espace,
Et n’être plus ;
Si je devais me consumer et passer de la mémoire du temps
Au vide de nulle part !