Extrait 1
Don Blas ne pouvait se lasser de regarder la jeune fille ; il trouvé sur son front et dans ses yeux cette expression d’innocence et de piété céleste qui brille dans les belles madones de l’école italienne. Don Blas n’écoutait pas le vieillard et ne continuait pas son déjeuner. Enfin il sort de sa rêverie ; le vieillard répétait pour la troisième ou quatrième fois les raisons qui devaient faire rendre la liberté à don Fernando de la Cueva, qui était depuis longtemps le fiancé de sa fille Inès ici présente, et allait l’épouser le dimanche suivant. À ce mot, les yeux du terrible directeur de police brillèrent d’un éclat si extraordinaire, qu’ils firent peur à Inès et même à son père.
Extrait 2
Elle se hâtait d’arranger ses tulles et ses châles. Don Fernando la regardait faire : tout à coup il se précipita sur le coffre, jeta dehors les tulles et les châles, et se met à leur place.
— Etes-vous fou ? dit Sancha effrayée.
— Tiens, voici cinquante onces ; mais que le ciel m’anéantisse si je dors de ce coffre avant d’être dans le palais de l’inquisition à Grenade ! Je veux la voir.
Extrait 3
Vers les onze heures du matin, un jour du mois de juin, don Fernando fit son entrée dans Grenade, porté dans un coffre ; il était sur le point d’étouffer. […]
Quand on eu refermé les portes, et qu’il n’entendit plus aucun bruit, il essaya, à l’aide de son poignard, de faire céder le pêne de la serrure du coffre. Il réussit. À son joie inexprimable, il était, en effet, dans la chambre d’Inès. Il aperçut des vêtements de femme ; il reconnut près du lit un crucifix qui jadis était dans sa petite chambre à Alcolote. Une fois, après une querelle violente, elle l’avait conduit dans sa chambre et sur ce crucifix lui avait juré un amour éternel.
Extrait 4
Il alla au chevet du lit, ouvre une caisse remplie d’armes, et se rapproche du coffre avec un paquet de crochets anglais. Inès découvre les persiennes d’une fenêtre et se pencha sur l’appui de façon à pouvoir se jeter dans la rue au moment où don Blas aurait découvert Fernando.
Extrait 5
Le portefaix, qui, à cette heure indue, ne se trouvait pas sans inquiétude contre le mur du cimetière, fut effrayé de cette voix si rapprochée de son oreille ; il crut entendre un revenant et s’enfuit à toutes les jambes. Le coffre reste debout sur le parapet ; la douleur de don Fernando augmentait. Ne recevant pas de point de réponse de Zanga, il comprit qu’on l’avait abandonné. Quel que soit le danger, il résolut d’ouvrir le coffre ; il fit un mouvement violent qui le précipita dans le cimetière.