La Maison abandonnée

François Coppée (1842-1908), célèbre « poète des Humbles », est le chantre du vieux Paris dans ses aspects les plus pittoresques, éternel nostalgique et promeneur infatigable. Dans ses contes et nouvelles en prose, l’élégie se teinte souvent de fantaisie, d’humour et d’ironie. Si « Le Convalescent » et « La Caissière », deux histoires d’amours manquées, s’autorisent un certain lyrisme, « La Maison abandonnée » voit le rêve romanesque s’effriter face aux cyniques réalités de la vie. « Monsieur le Marquis » nous entraîne dans la période rocambolesque allant de la Révolution française à la Restauration, tandis que « Deux Pitres » contient une satire politique et sociale féroce, toujours d’actualité.

Présenté par Grégory Bouak.

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Format : 10,5×15
Nombre de pages : 96 pages
ISBN : 978-2-84418-449-8

Année de parution : 2023

6,50 

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Extrait 2

C’était une chose admise par tous les joueurs de manille du Café de la Gare que Mlle Olympe ressemblait à Marie-Antoinette et qu’elle avait, de l’infortunée reine, la courbe du nez, la lippe autrichienne, le port de tête aristocratique. Mais, il faut le dire, cette opinion datait. Quel âge avait maintenant la caissière ? Trente-deux ans. Mettons trente-cinq. Son visage s’était empâté. Rien ne pousse à l’embonpoint comme le manque d’exercice. Si l’on avait tenu absolument à lui trouver une ressemblance royale, eh bien ! c’eût été plutôt Louis XVI qu’elle aurait rappelé par le double menton et par le profil bourbonien.

 

Extrait 3

Oh ! sa vie pendant dix ans, depuis lors ! Quel navrant abandon ! quelle misère triviale ! quelle chasse ignoble à la leçon bon marché, à la pièce de quarante sous mise dans la main ! Brrr ! il valait mieux ne plus y songer, arriver tout de suite à l’heure radieuse de sa vie. Une mélodie de lui tombait par hasard sous les yeux de la Kauffman, la grande cantatrice. Elle s’en éprenait, la chantait partout, et, en un hiver, Félix Travel devenait presque célèbre. Le directeur de l’Opéra-Comique, rencontré dans un concert, lui demandait quelque chose. Le jeune homme avait justement un acte fini, tout prêt, tout orchestré, sa Nuit d’Étoiles, un délicieux poème, où le pauvre garçon avait répandu tout ce qu’il avait dû refouler jusque-là dans son cœur de jeunesse et d’amour.

 

Extrait 4

Le scandaleux spectacle donné par ce cabotin politique, qui sacrifiait des principes éternels à son intérêt d’un jour, évoquait dans mon souvenir la baraque des lutteurs. La rhétorique glacée de cette harangue, où ne vibraient ni l’émotion ni la loyauté, me rappelait le boniment appris par cœur du pitre enfariné des tréteaux. L’air de superbe qu’avait pris l’orateur sous la pluie des reproches et des injures ressemblait singulièrement à l’indifférence du paillasse bruyamment souffleté. Ces phrases sonores qui venaient de retentir sonnaient faux comme une musique foraine. Le mot « liberté » ronflait comme la grosse caisse ; « l’intérêt public » et le « salut de l’État » se heurtaient avec un bruit discordant comme celui des cymbales ; et quand ce farceur eut parlé de son « patriotisme », j’avais cru entendre le couac d’une clarinette.

Poids 90 g
Auteur

Coppée François

Éditeur

Collection La Petite Part