La Boule

Armand Silvestre (1837-1901) possède plus d’une corde à son arc. Le poète délicat se métamorphose en conteur gaulois et impénitent à l’humour dévastateur. Les histoires recueillies ici relèvent d’une veine héroï-comique typique de son auteur. D’allure badine, « La Boule » dissimule un véritable traité d’esthétique. « Le Perroquet » nous enseigne l’art du détournement.
« L’Invasion » révèle sans vergogne la fragilité des cloisons d’hôtel. « Le Teinturier » montre la vengeance, haute en couleur, d’un mari bafoué.
Enfin, par contraste, « La Confession de Dieu » interroge la véritable mission du Christ sur terre.

Présentation par Franck Javourez

Format : 10,5 x 17
Nombre de pages :  72 pages
ISBN : 978-2-84418-433-7

Année de parution : 2022

6,50 

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Extrait 1

Il a voyagé en Orient, causé avec des odalisques qui feraient éclater un fiacre. Tout ça demeure encore bien en deçà de ce qui lui fut révélé en cette fatale soirée. Il a, en ce pétardier sujet, la folie des grosseurs, aussi inguérissable que l’autre. Inutile de vous dire qu’il a refusé d’épouser Liane, à moins que celle-ci ne consentit à avoir une boule, comme celle de la pelouse, pendue au ciel du lit nuptial, ce que cette honnête jeune fille refusa avec horreur et dégoût. (« La Boule »)

Extrait 2

Entré dans ce sanctuaire le cigare aux lèvres, il l’avait jeté, brûlant encore, dans l’œil ouvert et s’était brusquement assis, en homme pressé. Une douce chaleur était montée vers lui des profondeurs béantes, mais bientôt si cuisante qu’il avait voulu y soustraire son arrière-face en se levant. Impossible ! Le vide faisait siphon sous lui et, son séant fermant hermétiquement l’ouverture, il était devenu la soupape vivante qu’une pression invincible fixe à son poste. Comme dans l’hypothèse des antiques physiciens, la nature, pleine de l’horreur du vide, l’attirait violemment en dessous pour le combler. Il s’épuisait, terrifié et sans voix, dans une lutte inégale et ridicule contre les inexorables lois des éléments. (« Cinquième Acte »)

Extrait 3

Il avait mis en présence, dans son précieux abdomen, ces deux irréconciliables ennemis qui sont le homard et le haricot soissonnais. J’ai découvert la raison de cette haine séculaire. Avec son armure dont l’émeraude vivante et sombre se pourpre à la cuisson, comme s’ensanglantait au combat la cuirasse des chevaliers d’antan aux tournois et à la guerre, le homard représente le monde héroïque qui envoyait des défenseurs au Saint-Sépulcre, le monde des gentilshommes vêtus de fer, des cavaliers bardés de métal, maniant l’estoc et la lance. Le haricot soissonnais, lui, personnifie la guerre contemporaine, l’artillerie triomphante du courage personnel, la poudre sans fumée. C’est donc deux traditions militaires différentes, exaspérées, intolérantes qu’on emprisonne ensemble en les mêlant dans une agape imprudente. (« Le Perroquet »)

Extrait 4

Et son rêve sublime de sacrifice et de martyre enveloppant toujours sa pensée, ce doute lui vint pourtant de savoir ce qu’il allait expier, les fautes des hommes ou le crime de Dieu. Et comme il s’enfonçait dans l’horreur mystérieuse des responsabilités divines et humaines, dans l’insondable
problème qui brise nos projets à des fatalités, Judas, pris d’un mauvais rire, lui cria : – Adieu ! si Dieu que tu sois, tâche au moins de mourir comme un homme ! Et l’infâme qui avait vendu son ami disparut dans l’ombre, tandis que Jésus, élevant de nouveau ses yeux vers le ciel, sentait une épouvante plus grande au cœur, en voyant que tous les astres s’en étaient voilés et que la Nuit s’ouvrait seule aux ailes blessées de sa prière. (« La Confession de Dieu »)

Poids 90 g
Auteur

Silvestre Armand

Éditeur

Collection La Petite Part