Lettres à C. G. Bjurström (1958-1976)

Georges Perros (1923-1978) ne fût publié que grâce à Jean Paulhan – c’est ce qu’il confie dans l’une des quelques deux cents lettres adressées à C. G. Bjurström, traducteur du suédois, notamment de Strindberg, avec qui il avait travaillé en collaboration. Perros a affirmé lui-même quelque part que tout ce qu’il écrivait était « à sauver ». Paradoxalement, ce n’était pas par prétention, mais au contraire par honnêteté et modestie. Il voulait dire par là, me semble-t-il, qu’il n’avait pas de langage de luxe, qu’il était toujours dans l’urgence et dans « le jour le jour intégral ». « C’est bien d’écrire, ou de publier, tous les dix ans. Mais ça manque un peu de fraternité. Et comme nous en avons plutôt besoin, c’est tout une partie de la meilleure littérature qui est en panne ». « L’art, oui, qu’est-ce que l’art ? Un déchiffrage, puis une gloire – celle de Dieu – puis une contestation passionnée (…).

 

Format : 14 x 22
Nombre de pages : 192 pages
ISBN : 978-2-84418-003-2

 

Année de parution : 1998

15,00 

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Ici, oui, on a failli s’envoler. Des arbres centenaires ont été déracinés,on courait dans les rues comme dans les premiers films de Charlot. Ce serait supportable si tant de marin n’en avaient pâti. Corps et biens. Sale métier, de plus en plus difficile. Sortir par tempête, c’est s’assurer une vente bénéfique. Voyez le résultat. Le capitalisme joue partout ses horribles tours. Pendant ce temps-là, ce mauvais temps, les mareyeurs jouent aux cartes. Quelle impuissance !

Toujours occupé à me crever les yeux sur les manuscrits, j’en suis desséché. Décidément, je n’aurai jamais d’avenir; Mais quelle belle éternité !

A la maison, c’est le bordel quotidien. Jean-Marie a juré de nous rendre fous, pas une seconde de paix. L’air de la mer ? Ou sa grande sœur – à moitié – qui a vingt ans et traite sa mère de tous les noms ? Elle aussi a juré de nous avoir. Tania ne serait pais loin de céder, c’est-à-dire de se coucher sur ses nerfs. Alors, je dois arranger, réparer,toutes ces piles. Crevant. Pas sortis de l’auberge. On saura au moins pourquoi la fatigue. Rien moins qu’amoureuse.

Maître Olaf toujours en plan. Si vous désespérez de moi, ce qui serait logique, ne vous gênez pour charger un autre de ce travail. En toute amitié. Mais, normalement, avec un peu de calme, je devrais en sortir.

Et si jamais l’envie vous prend de venir par ici, j’en serai bien content. Vous n’en doutez pas.

Je vous salue bien.

Georges

 

Mon cher ami,

Merci de votre lettre. En effet, ici, c’est le défilé, comme jamais je crois. Tania et moi sommes complètement crevés.

C’est à qui nous plaindra de recevoir vraiment trop d’amis (Amis dixit). Bref, vivement l’hiver, les prétendus « amis » n’étant pas toujours les souhaités.

Avec ça, pas moyen de travailler. J’ai dû lire comme un fou, because retard, et remettre à Odette Laigle, qui était dans le coin elle aussi, une pile de manuscrits à peine secs ;

Dalmas est là, lui aussi. Je lui parlerai du Maître de Quarantaine. Il vient de perdre son père, ancien mineur.

Je vous envie de pouvoir profiter d’un temps mental calme. Voilà une notion que j’ai complètement perdue. Sans doute par spécial privilège !

Bonne Provence. Vous ne devez pas être loin de chez Jeanne Moreau. Si vous la rencontrez chez l’épicier, donnez-lui le bonjour de ma part. Et regardez-la bien.

Salut à vous, et aux vôtres,

Georges

Poids 101 g
Auteur

Perros Georges

Éditeur

Collection La Part Classique