Le temps des couleurs
Nous en parlions depuis longtemps avec ses amis de ce volume regroupant ses « baigneuses ». Depuis « Tango-Monde » paru en 2010 et maintenant épuisé. De même que l’ouvrage publié à l’occasion de l’exposition rétrospective à la Villa « Les Roches Brunes » à Dinard retraçant ses 50 ans de peinture. Nous partagions ce regret tenace de ne plus les voir accessibles au public lors de salons du livre ou d’expositions. Mariano Otero, avec son frère Antonio, se consacrait aux rééditions des livres de son père et rien n’aurait pu le détourner de cette tâche. Ce père, journaliste, écrivain et critique littéraire, lui avait manqué pendant son enfance et son adolescence lorsqu’il avait dû quitter l’Espagne précipitamment pour échapper à la police de Franco. Doublement manqué d’ailleurs du fait de sa mort prématurée en 1970. Trop d’années avaient été ainsi enlevées à ses enfants.
L’idée des « baigneuses » a cependant fait son chemin. Retrouver ses œuvres reste un exercice toujours difficile pour un peintre. Elles sont accrochées dans des galeries, déplacées pour d’autres d’expositions, d’autres regards, vendues, parfois à contrecœur, et d’une certaine manière irrémédiablement perdues. Une entreprise presque impossible en somme sauf à y consacrer beaucoup de temps. Et ce temps est pris sur les peintures à venir, les émotions nouvelles à traduire. Un tel dilemme s’était déjà posé pour les deux ouvrages mentionnés auparavant comme pour « Affiches d’un engagement », l’autre versant de son art auquel le Mariano Otero militant pour la liberté et la paix est tout autant attaché. Et puis, une fois les dessins et les toiles réunis, photographiés, comment les ordonner ? Quel fil conducteur choisir pour le lecteur ?
Car les « baigneuses », comme les nus, les portraits, les scènes de café, ceux de sa jeunesse, aux tons sombres, tourmentés, très espagnols encore par certains côtés, s’inscrivent dans une histoire personnelle, dans un cycle. Mariano le confiera dans un entretien avec Bérengère Toulemont, « L’homme qui aimait les femmes » :« Ces baigneuses sont plus gaies, plus colorées, les couleurs se sont réchauffées, éclaircies, je pense évoluer vers la couleur, vers une peinture un peu plus souriante. Je pense que ma peinture était plus austère avant car je vivais douloureusement, au fond de moi, ma situation d’exilé. Quitter son pays à l’âge de 14 ans est difficile. »