On n’aime souvent, on ne loue nos belles qualités que parce que nos défauts en tempèrent l’éclat.
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On est moins ennemi de ceux qui nous haïssent que de ceux qui nous méprisent.
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On peut bien dire à un homme sage : « Vous êtes fou ». On peut bien dire à un homme d’esprit : « Vous êtes un sot ». Mais le moyen de dire à un sot qu’il est un sot et à un fou qu’il est un fou ?
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La vertu, c’est la santé de l’âme.
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Le crime nous fait voir des ennemis partout et la vertu des amis.
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On ne devrait écrire ce qu’on sent qu’après un long repos de l’âme. Il ne faut pas s’exprimer comme on sent, mais comme on se souvient.
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Il faudrait faire les plus petites choses par les plus grands motifs et voir dans les plus petits objets les plus grands rapports. Voilà le grand moyen de perfectionner en soi l’homme sensible et l’homme intellectuel.
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La durée est un des premiers moyens de la perfectibilité de l’homme.
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Tout ce qui rend les passions plus pures les rend plus fortes, plus durables et plus délicieuses.
La raison est dans l’homme le supplément universel de l’impuissance de la nature.
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En France, il semble qu’on aime les arts pour en juger plus que pour en jouir.
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Songe au passé quand tu consultes, au présent quand tu jouis, à l’avenir dans tout ce que tu fais.
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Il n’est presque point de philosophe qui ait de principes. Parcourez leurs écrits, vous verrez des vérités isolées, des ruines çà et là répandues d’un édifice dont on ne trouve aucune pierre fondamentale.
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Ô noble espèce humaine, combien d’années, de lustres et de siècles s’écouleront avant que tu touches au point au-delà duquel est la perfection.
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Nous avons reçu le monde comme un héritage qu’il n’est permis à aucun de nous de détériorer, mais que chaque génération au contraire est obligée de laisser meilleur à la postérité.
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Lorsqu’il naît dans une nation un individu capable de produire une grande pensée, il en naît un autre capable de la comprendre et de l’admirer.
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La liberté publique ne peut s’établir que par le sacrifice de toutes les libertés particulières sans aucune exception. Dans cette admirable institution, les forts cèdent une partie de leur force, les riches une partie de leurs richesses, les nobles une partie de leur noblesse à tous les autres citoyens qu’ils veulent rendre leurs égaux ; et les petits, les faibles, les pauvres cèdent à leur tour une parti de leurs espérances, et de la noblesse, des richesses et de la force que le bienfait et l’inconstance du sort toujours variable, pourrait donner soit à eux soit à leurs descendants.
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Quiconque éteint dans l’homme un sentiment de bienveillance le tue partiellement.
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Les poètes doivent être la grande étude du philosophe qui veut connaître l’homme.
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L’habitude de penser en donne la facilité. Elle nous rend plus pénétrants et plus prompts à tout voir, parce qu’elle rend les organes de la pensée plus flexibles et plus nourris.
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La pensée se forme dans l’âme comme les nuages se forment dans l’air.
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On n’aime qu’une fois, disent les chansons ; c’est-à-dire qu’il n’y a qu’un seul âge qui soit véritablement propre à l’amour.
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Celui (dit Socrate dans le cinquième dialogue de la République) celui qui, possesseur d’une puissance modérée est mécontent et veut jouir d’une puissance illimitée apprendra tôt ou tard, à ses dépens, la vérité de ce que disait Hésiode : « La moitié vaut mieux que le tout ».
L’essentiel n’est pas qu’il y ait beaucoup de vérités dans un ouvrage, mais qu’aucune vérité ne soit blessée.
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L’impartialité naît d’une disposition à juger favorablement des hommes et des choses.
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Le plaisir de la chasse est le plaisir d’attendre.
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Ce ne sont pas les faits, mais les bruits qui causent les émotions populaires. Ce qui est cru fait tout.
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On n’est correct qu’en corrigeant.
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Le courageux a du courage et le brave aime à le montrer.