Grain de raisin choisi à la vigne de la femme, tu vas vivre et tu seras un homme. Né de la luxure, tu aimeras la luxure, et, au jour de ta mort, tu pleureras d’entrer dans le royaume où elle n’entre pas, mais tu laisseras un fils qui répétera tes actes, miroir ressuscité où l’image que tu fus pâlira du même désir éternel.
D’abord, tu auras chaud dans les eaux maternelles, et le sang de ta mère te gonflera d’amour : comme tu es bien en cet habitacle aveugle qui te fait participer à une vie charmante ! Ta mère est jolie. Tant qu’elle te méconnaîtra, tu seras bercé dans l’orage des valses et des chevauchées ; les jeunes filles passeront ingénues, contre toi, leur ventre pur, et le plaisir d’un homme, quand les nuits seront à moitié, viendra jusqu’au seuil de ta grotte choquer ton obscur sommeil de larve.
Puis, un mouvement dira ta vie et tu deviendras le centre d’un monde. Des yeux tendres, à travers la terre et l’eau, te toucheront comme des antennes. On te couchera sur des chaises longues.
Un jour, un tremblement prendra tes membres et ton cœur. Le lac vidé te laissera à sec, et tu auras si peur que, d’un tour de reins tu sauteras dans la vie. L’air est dur, tu crieras. Puis tu boiras, tu dormiras. Le jour où ta petite bouche rendra à ta mère un de ses dix mille baisers, elle aura des larmes dans les yeux, des larmes toutes pareilles aux larmes que tu arracheras aux yeux des autres femmes, car il n’y a qu’une qualité d’eau pour la diversité des yeux et des cœurs. Sorti de la femme, ton rêve adolescent sera d’y rentrer. Le ciel et la terre ne contiennent pas autre chose pour un jeune mâle. Tu féconderas la vigne dont tu es chu. Le grain enflé crèvera et tu verras l’image de ce que tu fus quand tu n’étais pas.
Les vignes se fanent et les hoyaux s’ébrèchent, mais en voici d’autres et d’autres. De luxure en luxure se perpétue la vie. Les yeux devinent sous les robes les beaux triangles. Les ventres s’attirent, aimants, amants. Aimer, c’est ventre à ventre. Le flambeau de la vie, c’est celui que tu levais et qui tombe. Laisse à ceux qui sont sortis de toi le soin de la luxure éternelle. Songe au pauvre chaînon que tu es devenu. Songe aux socs et aux chocs, si tu veux. La charrue, la terre, songe à la terre. C’est là que vient mourir le chemin de la luxure. Iter ad luxuriam…