Je n’écris pas pour te glorifier
ou te mettre sur un piédestal.
C’est de toi que je parle,
mais aussi de toutes les autres.
Moniales, si proches et si lointaines.
Femmes appelées,
happées par Dieu
cloîtrées par volonté.
J’honore votre présence au monde.
I) JE T’AI TOUJOURS ECRIT
Je t’ai toujours écrit.
à sept ans, ou peut-être avant,
je pose ma règle en bois
sur la page blanche de mon cahier d’écolier
(lignes bleues, marge rouge à gauche).
Je tire des traits au crayon noir
pour bien aligner mes phrases.
Bouteille d’encre, porte-plume.
J’écris en respectant tous les déliés.
Jouez hautbois, résonnez musettes,
la bougie palpite sur nos joues.
Je te parle de Noël, des cadeaux au pied de la crèche,
de mes notes à l’école et du maître sévère.
Ça sent bon la mousse fraîche,
la sciure de bois dont on fait le chemin des bergers.
Je te souhaite aussi une bonne année.
Au début je t’écrivais une fois par an,
parce que les parents l’exigeaient.
Je ne savais rien de ton visage.
Tu m’as toujours répondu.
Tu n’as jamais failli.
Une écriture légère et ronde
sur du petit papier à lettres.
Tes mots préférés : prière, joie, pensée, cœur.
Je te sentais proche et lointaine.
Mais déjà je portais ta présence.
Mes lettres à Noël,
puis à Pâques, en vacances, en voyage.
Mais jamais au Carême.
J’interroge : « Pourquoi pas au Carême ? »
Sur l’enveloppe ton nom de religieuse,
celui d’un prophète.
Au début de ma lettre, tu redeviens ma tante.
Je te restitue ton prénom de jeune fille.